Charlie Schlingo,

Portrait de l’artiste en pomme de terre



J’ai appris la mort de Charlie Schlingo par Sylvain Insergueix, cofondateur d’Artefact1 et actuel tenancier de la librairie Impressions, cette librairie où j’ai passé tant d’après-midi recroquevillé dans le grenier à la recherche de quelques fanzines poussiéreux. C’est là que j’ai fait la découverte de cette œuvre merveilleuse.


Je dis bien merveilleuse car, pour moi, lire une de ses histoires est une expérience magique. On ne lit pas simplement, on rentre dans un monde où se mêlent poésie et tragédie, idiotie et pathétisme. C’est une enveloppe chaude et sale, comme ce lit dans lequel je me glissais, enfant, emmitouflé dans la couette, une pile de BD, une tablette de chocolat et un litron de jus d’orange sur la table de nuit.

L’une de ses histoires, « Le Mystère »2, me semble incarner cette sensation. Dans celle-ci, Marcel Schlingdejnou accorde des vacances à Louis Sarnifldanlanderno, lequel décide d’aller en Amérique du Sud. Il entre dans une agence de voyage et prend, comme on le lui indique, la première porte à gauche. C’est alors qu’il se retrouve en pleine forêt amazonienne face à d’innombrables dangers.


L’IDIOT ?


Schlingo, quand on a commencé de le découvrir à la fin des années 70, […] ça a été un choc : quelque chose de vraiment libérateur, qui nous vengeait de toute cette nullité qui encombrait les librairies spécialisées et qui faisait que, quand on disait alors aimer la bande dessinée, on avait l’air d’un crétin patenté. Au moins, avec Schlingo, la nullité avouée, l’idiotie revendiquée, n’était pas la conséquence d’un manque d’ambition, d’une inculture crasse ou d’une soumission laborieuse aux ordres de la presse enfantine (ou adulte régressive), mais le sujet et l’objet même de ce qu’il faut bien voir comme un travail.3


Schlingo est-il un idiot ? En apparence, oui, un idiot qui raconte des bêtises dignes d’un enfant de quatre ans. Il construit ses histoires comme un gamin joue avec ses jouets, mélangeant dinosaures, chevaliers, lego et soucoupes volantes afin d’élaborer une épopée baroque. L’origine de cette construction se trouve en partie dans ses lectures d’enfance comme il le rapporte lui-même :


Quand j’étais môme, je m’abreuvais de [petits formats]. Je lisais surtout Popeye, même les mauvais, Pipo, Concombre, Élastoc, tout ça. […] Je lisais Bottaro […], et puis Mandolino, le clébard de Jacovitti.
Et
Foxi & Croa, et Les Trois Mousquetaires. Popeye surtout, c’était extra. Les coups de poing dans Popeye sont les plus beaux de toute la BD. […] Et Tintin aussi. Je ne lisais que ça, je lisais tout. […] Quand j’étais môme, j’étais au plumard, j’avais eu la polio, j’avais le temps de dessiner et de bouquiner.4


De ces lectures, il tire deux choses. Tout d’abord, un dessin proche des petits formats italiens (et en premier lieu Bottaro) et des maîtres du comic strip américain des années 30, E.C. Segar en tête (mais aussi Georges Herriman comme l’indiquent les mises en pages, proches de celles de Krazy Kat, de ses premières histoires). Et ensuite un goût prononcé pour l’aventure bon marché, faite de forêts vierges, de bagarres épiques et de jeunes filles en détresse.

À la manière d’un enfant, il voit le monde comme un univers à réagencer et à réinterpréter sans cesse. Son humour passe par la cohabitation d’ensembles a priori antagonistes : des références graphiques et narratives aux bandes dessinées enfantines (Popeye, Tintin, etc.), son expérience propre, dans son expression la plus quotidienne et la plus banale (le désœuvrement, le sexe, l’alcool, les pets, les discussions de bistrot sur la politique, etc.), et quelques lubies éparses (les pommes de terre, les saucisses, les odeurs de pieds). Tout y est matière à jeux, des situations sociales les plus frivoles (boire, péter, baiser, etc.) aux sujets les plus sérieux (la philosophie politique, la psychanalyse, la misère, etc.).


Le sujet principal de son œuvre est en fait la négation de la dichotomie enfant/adulte, ou, du moins, la non-reconnaissance des frontières mentales entre l’enfant et l’adulte. C’est en cela que la lecture des histoires de Schlingo a un caractère décomplexant. Schlingo nous invite à ne plus avoir peur, à ne plus se retenir d’être bête, lyrique, d’exprimer une joie exubérante ou un désespoir profond, d’être surréaliste, de jouir en pleine rue ou encore de s’écrier publiquement : « Je suis un escargot égaré dans le cosmos ».


LE MONARQUE DE LA LOOSE


Mon univers est un univers de con. Tamponn est un minable. […] Ça me défoule, ce connard, Tamponn, qui se fait baiser à tous les coups parce qu’il est trop con. Mais en même temps, il est heureux. Son univers c’est d’acheter une tranche de jambon. Quand il a acheté sa tranche, il est heureux.5


Au-delà de l’adjectif « idiot », c’est l’adjectif « absurde » qui vient à l’esprit pour qualifier son travail.

Il convient alors de définir le terme « absurde », en particulier dans le domaine de la création. Une situation absurde est une situation « qui viole les règles de la logique »6. Le mot « absurde » vient du latin absurdus qui signifie « dissonant ». Ainsi, l’Absurde serait une dissonance de la réalité, une déviation par rapport à la logique. C’est pourquoi l’Absurde ne saurait être déconnecté du réel. Dans une bande dessinée par exemple, l’existence d’un élément absurde implique l’existence simultanée d’éléments du réel identifiables par le lecteur. Cela implique également que cet élément soit, paradoxalement, soutenu par une solide logique.


Dans « Le Retour des carottes »7, Désiré Gogueneau, suite à un contrôle de police qu’il a lui-même réclamé, se retrouve en camp de travail. Malheureusement pour lui, il ne reste qu’une place de P.D.G. ! L’absurdité dans cette histoire réside bien sûr dans l’introduction d’un P.D.G. dans un camp de travail, lieu où, pour parler vulgairement, il n’a rien à foutre. Mais Schlingo pousse la logique de ces deux éléments jusqu’au bout. En tant que P.D.G., Désiré roule en décapotable, cigare au bec, et boit du champagne avec ses secrétaires sexy. Mais l’univers concentrationnaire a sa logique parallèle. Comme dans un film de guerre, les prisonniers veulent s’évader et se trouvent un leader, Désiré, à qui ils demandent de fomenter un plan d’évasion. C’est là que les deux logiques, celle du P.D.G. et celle du camp, se rencontrent. Désiré, heureux de sa condition de P.D.G., ne veut pas d’une évasion et s’arrange pour que celle-ci échoue.


Les idioties invraisemblables et les comportements absurdes de ses personnages sont les reflets dans le miroir déformant de la bande dessinée, qui révèlent l’absurdité de l’existence telle que nous la vivons quotidiennement. L’Absurde est en quelque sorte le catalyseur qui met en évidence les violences et les contradictions de nos vies.


Schlingo fait partie de ces auteurs qui, étant plus affectés que la plupart de leurs congénères par l’absurdité de la vie, ne trouvent comme seul moyen d’échapper au désespoir que celui d’aller, dans leur œuvre, dans une surenchère d’absurdités pour rendre cohérente celle de la réalité, lui donner une logique et un sens dont elle semble dépourvue.

Tout au long de son œuvre, il n’aura de cesse de mettre en scène la médiocrité de sa propre existence. Métiers sans intérêt, désœuvrement, addictions à l’alcool et aux drogues, absence de succès commercial, déboires sentimentaux jalonnent sa vie et son œuvre. Il s’agit, pour celui qui s’était autoproclamé monarque de la loose, de sublimer son désespoir, de transformer un quotidien décevant, sans beaucoup de perspectives, en un conte surréaliste où violence et tendresse s’entremêlent harmonieusement.

Ainsi, Schlingo, qui a travaillé dans sa jeunesse à l’usine, met en scène dans « Métropoliture »8 le caractère aliénant du travail à la chaîne et la lutte des classes. Cette histoire débute par la représentation de deux ouvriers hilares, ravis d’exécuter un travail ingrat (« Ah Ah ! Vous en faites pas, les gars ! On a l’habitude »), mise en parallèle avec celle du patron qui ne pense qu’à s’amuser. « Inconscient de tout ceci », le fils du patron découvre que les ouvriers « n’ont pas d’pot » (doux euphémisme) et décide, tel un membre d’Action directe, de lancer une bombe sur son père. Celui-ci, trouvant la plaisanterie « d’un goût douteux », la renvoie sur l’usine, la détruisant et tuant les ouvriers (« AH AH AH z’en faites pas on a l’habitude ! »). Mais tout est bien qui finit bien ! Le patron est ravi, ayant touché cent millions de francs des assurances, et son fils se console du fait que « les ouvriers morts dans l’accident [soient] maintenant au paradis ! » En guise de morale, ceux-ci brossent, dans la dernière case, les chaussures de Saint Pierre dans l’allégresse (« Vous en faites pas on a l’habitude AH AH AH »).


Plus que l’échec, c’est la réussite sociale que Schlingo raille. Ainsi dans une histoire d’Onulf le marin9, celui-ci envoie le cybernéticien vendre des pommes de terre, afin qu’il ne boive pas et ne devienne pas alcoolique. Ceci d’ailleurs en toute hypocrisie puisque Onulf annonce dès la deuxième case qu’il part boire un coup. Le cybernéticien se met donc tristement à essayer de les vendre dans la rue. Surgit alors un milliardaire américain et, avec lui, une réussite inespérée. Il les achète dix milliards de dollars et donne au cybernéticien dix milliards supplémentaires pour pouvoir le sodomiser. Pendant ce temps, Onulf picole au bistro et se moque de son ami en son absence. C’est alors que celui-ci entre, raconte son succès et sa conséquence : « Coucou ! Je suis milliardaire, je vais pouvoir me saouler la gueule ! » À côté de lui, Onulf enrage : « Ho non ! J’aurais dû vendre ces pommes de terre moi-même ! Je suis bien puni ! », concluant l’histoire par une morale digne d’un conte pour enfants.


Que retenir de ces deux histoires ? Le succès ou l’échec ont bien peu d’importance pour Schlingo, puisqu’il minimise leurs conséquences affectives. En effet, le patron et son fils ne sont pas du tout attristés par la mort des ouvriers innocents, et Onulf a une réaction de jalousie relativement modérée face à la récente fortune du cybernéticien, quoique l’on puisse même se demander si ce n’est pas plutôt le fait que celui-ci
va « pouvoir se saouler la gueule » qui le fait enrager.


Ainsi, la réussite et l’échec social chez Schlingo sont des événements éphémères dont les finalités sont basses et identiques, la plus commune étant, comme ici, l’ivresse.


« UN DÉBAT INTÉRESSANT À PROPOS DE L’ANACHRONISME

CONSTATABLE SUR LE PLAN DE L’HISTORICITÉ DE L’ART »

Y’a des tas de mecs comme moi […] qui réagissent comme ça, contre une BD un peu intellectuelle. Y’a des moments, ça fait du bien d’aller dans ton paddock et de lire une belle merde.10


Si l’idiotie et une certaine naïveté sont omniprésentes dans son œuvre, il ne faudrait pas trop vite en conclure que celle-ci a été engendrée par un simple d’esprit ni par un être dépourvu de capital culturel.

Il est vrai que quelques-unes de ses histoires reflètent un anti-intellectualisme certain11, mais c’est surtout la fonction sociale du discours intellectuel qu’il stigmatise, c’est-à-dire le discours non pas en tant que véhicule d’une réflexion mais en tant que marqueur d’un statut social.


Charlie Schlingo s’appelait en réalité Jean-Charles Ninduab. Son pseudonyme est fait de l’assemblage de Charlie Mingus, jazzman qu’il adorait, et du verbe « schlinguer », en référence à son intérêt pour les mauvaises odeurs. Il s’est ainsi créé de toutes pièces un personnage d’imbécile, personnage qu’il ne faut pas confondre avec Jean-Charles Ninduab comme le notent Liz Saum et Stéphane Rosse.


Schlingo passait d’un plan à l’autre sans prévenir. Par exemple, on était bien, on discutait de quelque chose, et puis, dès qu’on s’approchait de lui un petit peu trop – hop ! – il faisait marche arrière. Il était très désagréable avec les gens aussi, très agressif. C’était son personnage. C’était très difficile de rentrer en contact avec lui. On sentait qu’il y avait un fond qu’il gardait caché, c’était quelque chose qu’il cachait, sa sensibilité.12


Schlingo […] est un personnage qui s’est réinventé de A à Z. Il était super conscient de son personnage, très chiant en fait. Quelques heures en fin de soirée, émergeait Ninduab : un mec cultivé qui pouvait parler de Schwob ou de Jarry, de la BD, du jazz, du polar et du pinard pendant des heures avec une connaissance académique.13


Il est fortement marqué par la bande dessinée et les littératures populaires. Outre l’influence d’Alfred Jarry, de Marcel Schwob et des auteurs de bandes dessinées cités plus haut (Bottaro, les productions Disney, Segar, Hergé, etc.), il a également été marqué par la revue underground hollandaise Tante Leny Presenteert et, notamment, par le dessinateur Evert Geradts.


Citons aussi les auteurs de polars, ou plus précisément de Hard-boiled stories : Charles Williams (auteur, entre autres, de Fantasia chez les ploucs et de Je t’attends au tournant), Day Keene et Peter Chambers, « des auteurs pulp aux “recettes” transparentes, mais quelle violence ! Quelle désillusion et quel humour ! »14


Et enfin, les auteurs de science fiction P.J. Farmer et Fredric Brown (Martiens go home !) dont l’humour décalé et crétin n’est pas sans rappeler celui de Schlingo.


Il avait la collection la plus incroyable de BD stupides qu’il soit permis d’emmagasiner. Entre des chefs-d’œuvre populaires absolus des studios Bottaro et des trucs sans nom dessinés avec les pieds.

Donc, à mon avis, il était très conscient de la qualité d’une œuvre sur des critères esthétiques. Mais il appréciait aussi au plus haut point une merde incroyable pas de ce monde, et surtout, surtout, il détestait Hugo Pratt !15


À première vue, le dessin de Schlingo peut paraître malhabile, du moins durant la période du Havane Primesautier et des éditions du Square. Fruit de l’étrange mariage entre la ligne claire16 (Hergé), l’underground (Crumb, Tante Leny Presenteert), Segar et Bottaro, son dessin est aussi marqué par des faiblesses techniques indéniables.


Ce dessin, en apparence « vite fait mal fait », évolue très vite suite à un travail acharné. Schlingo participe à presque toutes les revues des années 80, et publie quasiment un livre par an durant la même décennie. Très vite, son dessin acquiert une vigueur et une nervosité remarquable. Il suffit de relire Désiré Gogueneau est un vilain ou les histoires qu’il réalisa pour le mensuel pour enfants Grodada pour s’en rendre compte.
Mais il ne faut pas perdre de vue que cette nervosité provient d’un impératif : raconter un maximum de choses, faire ressentir un maximum d’émotions, dire un maximum d’âneries avec des moyens (techniques notamment) et un temps (celui de la création comme celui de la lecture) limités. Une virtuosité technique démonstrative, loin de servir son propos, ne ferait que l’obscurcir. Ce qui compte pour lui est d’abord l’écriture graphique et « l’histoire » elle-même. Le dessin ne doit en aucun cas s’afficher trop ostensiblement. Il ne doit pas parasiter la lecture.


Et, pour ceux qui, malgré tout, reprocheraient à Schlingo cet apparent amateurisme, je citerai le résumé d’un épisode de Josette de Rechange qui en dit long sur ses intentions artistiques :

Critiquer cette histoire est facile, mais, croyez-moi, la faire est encore plus facile…17


COMMENT AJOUTER LE PRÉFIXE « EXTRA » AU MOT « ORDINAIRE » ?


Ce qui prime dans ses bandes dessinées est moins le sujet de l’histoire en tant que tel – d’autant plus que ses personnages désirent souvent « ne rien foutre »18 – que l’écriture elle-même, littéraire comme graphique.


Son usage de la langue mérite de s’y attarder. Il la complexifie parfois à outrance par un excès de précisions, parodiant par là le langage précieux et le discours universitaire. Ainsi, il parle d’un « petit mammifère rongeur factice » pour désigner une simple souris mécanique.


Au-delà, ses histoires sont jonchées d’objets pouvant être considérés comme relevant d’une écriture.

Ces objets – saucisses, pommes de terre, onomatopées19 – qui sont présents en tant que signes20, produisent la sensation d’être en terrain familier chez le lecteur. Ils fonctionnent comme des repères sur une carte géographique partielle que celui-ci se crée au fil des pages. Ces objets lui permettent de recomposer mentalement l’univers dans lequel se déroulent les événements racontés par l’auteur. Ils lui permettent de dépasser les frontières de la case, d’aller au-delà des fragments géographiques et temporels représentés.


Une pomme de terre dans cet univers n’est pas une simple patate. C’est un objet dont la fonction a été décalée. Elle peut être la clé du bonheur, un objet de fantasme, un sujet de discussion politique, un être vivant en détresse ou même un citoyen de la République des pommes de terre !21

Ces objets, ces signes, sont des points de fuite qui permettent à Schlingo d’entamer l’écriture de ses histoires. Ils lui tiennent lieu d’intrigue, celle-ci étant souvent absente ou ridiculisée. Ainsi, dans le livre N comme cornichon, les deux personnages principaux sont en quête de « l’orthocorniche » (l’orthographe du mot « cornichon »). Ils oublient à plusieurs reprises ce but qu’ils abandonnent finalement à la dernière page, au moment même où ils s’apprêtent à l’atteindre.


Nous nous trouvons ainsi dans un univers marqué – a priori – par la banalité. C’est un univers de minables, de bistrots, de bouffe (pommes de terre, saucisses, abricots), d’odeurs de pieds et j’en passe. Mais c’est un univers de minables placé tantôt dans un contexte d’aventure (celui du polar, de Picsou ou de Tintin par exemple), tantôt dans une dimension onirique. Et cette banalité est sans cesse contrariée par l’omniprésence des points d’exclamation dans les dialogues. Ceux-ci ont tendance à souligner comme extraordinaire le moindre événement, aussi commun soit-il.


Dans une histoire d’Onulf le marin, suite à une banale dispute ayant pour objet l’absence de fromage à la fin du repas, le cybernéticien décide de quitter le foyer et de partir faire le tour du monde. Onulf conclut l’histoire par un retour à la situation banale de départ, en disant en guise d’adieu à son comparse : « Hé, n’oublie pas de ramener le fromage ! »


Par ailleurs, les bandes dessinées de Schlingo regorgent de situations fantasmagoriques et poétiques. Le livre Gaspation en est truffé. Tamponn Destartinn, l’idiot de service qui se fait sans cesse avoir, dote par sa bêtise les objets les plus communs et les situations les plus banales de caractéristiques incongrues, surréalistes et souvent poétiques. Ainsi, une tranche de jambon est censée produire de la lumière, brancher un abricot sur une prise électrique peut prouver qu’il ne fonctionne pas, marcher sur un bifteck le transforme en « bifteck à péage », les pantoufles décédées ont une planète en guise de paradis, un HLM sans emploi pointe à l’ANPE, et les habitants d’Amsterdam sont cool et coulent comme du fromage.


L’exemple le plus marquant est sans doute l’histoire N comme cornichon22 qui est remplie de rebondissements absurdes et d’images oniriques.

Gros CoinCoin (alias GCC) et Fata Fata (alias FTFT) font simultanément le même rêve étrange : le mot « cornichon » prendrait deux « n » ! Ils décident d’élucider ce mystère et partent à Oxford consulter un ami professeur de FTFT sur ce point. Entre-temps, GCC gagne une course d’aviron, ils vont chez le professeur, et consultent LE livre sur les cornichons, mais la page qui révèlerait son orthographe a été arrachée. Ensuite, ils oublient l’existence des cornichons, vont au festival d’Angoulême, construisent un mur, rencontrent Georges Marchais et baisent une attachée de presse adepte du bondage. Puis, FTFT noie les pieds de GCC. Soudain, se souvenant de l’existence des cornichons, ils rendent visite au nouveau ministre de l’Industrie interparlementaire qui leur révèle que l’orthocorniche est « la clé du code informatique qu’attendent les martiens pour envahir la terre ». Ils partent alors à Washington DC munis d’un plan de Paris, découvrent que « Reagan, Brejnev, Gorbatcheff, Gérald Ford et Andropov ne font qu’un », et délivrent, en le baisant, le maître du loose qui avait pris la forme de Nancy Reagan, car « seul l’amour désintéressé d’un PD pouvait [le] libérer de [sa] forme terrestre ». Celui-ci, par un geste hypnotique, fait disparaître « cornichon » du vocabulure, pour que les martiens ne puissent pas envahir la Terre, et leur offre un pot de fleurs en tant que substitut sexuel. Ce qui amène finalement GCC à se demander si « pot de fleur » prend deux « p ».


LE BRUIT ET L’ODEUR


Les odeurs, mauvaises, bien entendu, sont omniprésentes dans les histoires de Schlingo.

Il y a, tout d’abord, les noms des personnages : Tamponn Destartinn, Kokott Dunouga, Marcel Schlingdejnou, John Sapu, etc.

Cette obsession pour les odeurs, et plus particulièrement, pour les odeurs de pieds, trouve son origine dans l’enfance de Schlingo, comme il l’a lui-même raconté à Yves Frémion :


Quand j’étais môme, chez mes parents, y avait des invités, j’avais l’impression qu’y puaient – j’ai le pif sensible – et j’allais sous la table renifler leurs pinceaux. Ils faisaient une sale gueule, mais ça m’intriguait, je voulais savoir si c’était vraiment eux.23


« La Souris mystérieuse ! »24 est certainement l’histoire la plus olfactive. Dans celle-ci, Tamponn a inventé une souris mécanique qui a la faculté extraordinaire de puer des couilles.


Désiré : Bon sang ! Cette souris pue bougrement des couilles !

Tamponn : Ne sois tout de même pas trop vulgaire, Désiré !... Mais il est vrai que lorsqu’on met ce petit mammifère rongeur factice en marche, il se dégage une odeur particulière aux parties génitales de ces amusants quadrupèdes propre à amuser tous les enfants !


Désiré dérobe le prototype à Tamponn pour le faire breveter et faire fortune. Mais, c’est sans compter sur la félonie du professeur Diastase de Montderche qui le vole à son tour et en fabrique des milliers d’exemplaires. Pendant ce temps, Tamponn a fabriqué une télécommande capable de mettre en marche la souris à distance… Ce qui a pour effet de recouvrir la ville d’une épaisse odeur de couilles de souris.


L’histoire Josette de Rechange25, héroïne dont le nom est déjà équivoque, démarre elle aussi par une situation olfactive, bien qu’ici seulement suggérée. On y apprend que le métier de Josette consiste à peindre chaque jour d’une couleur différente les chaussettes de son patron, celui-ci n’en possédant qu’une seule paire, afin de cacher cette infamie à son entourage.


Les odeurs sont même tellement puissantes qu’elles sont parfois soulignées par des onomatopées olfactives. C’est le cas par exemple de « schlingdéflouflou » et de « puduku ». Puer n’est certes pas censé produire un quelconque bruit, mais nous ne nous étonnerons pas que dans son univers les odeurs puissent être entendues...
Les bruits sont par ailleurs omniprésents dans son travail. Schlingo qui utilise peu de jeux de mots, hormis les calembours que sont les noms de ses personnages, se sert par contre abondamment d’onomatopées étranges et d’interjections transfigurées.

Celles-ci constituent probablement un des éléments poétiques les plus forts de son œuvre et l’artefact le plus flagrant de la dimension linguistique de son humour.


Il y a tout d’abord celles, souvent tirées de bandes dessinées américaines, qu’il décline et francise à l’aide de suffixes, leur donnant une allure et une sonorité invraisemblables. Il s’agit, par exemple, de « drinos de cheval », de la célèbre « gaspation », de « sniffure » ou encore de l’alambiquée « drinature de pommedeterration ».

Il y a ensuite celles qui, à l’instar du verbe anglo-saxon « snif » que l’on retrouve souvent dans les comics, assimilent le verbe, l’action, au son. C’est le cas par exemple, pour les plus emblématiques, de « sonnelegroin », de « cognelalourde » ou encore de « petinboncoup ».


Je me suis longtemps interrogé sur l’origine de cette particularité. Sylvain Insergueix apporte un premier élément de réponse :


Il adorait les vieux albums Hachette de Mickey, ceux où il y a des chevaux avec des pattes toutes rondes qui font « galope, galope ». C’est des trucs qu’il a repris. Je crois que l’idée de ses d’onomatopées vient de là.26


Ces déclinaisons farfelues ôtent à l’onomatopée son rôle originel. Elle ne sert pas vraiment ici à informer le lecteur sur un son émis par un personnage ou un objet, et, par ce biais à mettre en valeur un événement. Elle garde certes ce rôle mais il n’a ici qu’une valeur secondaire.


Elle acquière en effet une existence propre, autonome, dans l’histoire. Elle fonctionne, à la manière des pommes de terre qui parsèment ses histoires, comme un signe, comme une indication géographique (nous sommes dans l’univers de Charlie Schlingo).


Et si les onomatopées de Schlingo sont considérées par beaucoup comme une des caractéristiques les plus notables de son œuvre, c’est bien qu’elles ne sont pas assujetties aux péripéties des histoires. On pourrait, plus poétiquement, les comparer à des fruits que l’on cueillerait sur un arbre (la page) et qu’on mangerait avec gourmandise.


« ME BRANLER DEVANT UN ABRICOT A TOUJOURS ÉTÉ

POUR MOI LE SUMMUM DE LA PORNOGRAPHIE ! »


Résumé : Cette chronique intimiste aborde les problèmes du couple avec une toute petite pointe d’ironie. Tout ça est très sexuel.27


Les questions de la séduction et de la sexualité sont très présentes dans les histoires de Schlingo.


Cette dernière apparaît tout d’abord à travers les fantasmes étranges et les pratiques onanistes répandus dans ses bandes dessinées.

Les fantasmes de ses personnages ont souvent pour objet quelque chose de dérisoire et de stupide, un objet qui n’a pas a priori de potentialités excitantes.


Ainsi, Désiré, mélangeant dans sa tête les propositions de deux personnages rencontrés auparavant : faire l’amour et éplucher des pommes de terre, en arrive à sauter avec fougue sur l’étal d’un marchand de patates.28 Ailleurs, Tamponn se masturbe en rêvant à un cheval sautant une clôture29 ; le cybernéticien, lui, se masturbe, en secret et avec un sentiment de honte et de culpabilité, devant un abricot30. Enfin, un personnage jette ses chaussures par la fenêtre, déclarant se livrer à ses fantasmes sexuels car « il n’y a rien de plus excitant que de balancer ses godasses par la fenêtre ! »31


Mais il conviendrait tout d’abord de situer le rôle des femmes. À l’exception de Josette de Rechange, sorte d’alter ego féminin de Popeye pour laquelle Schlingo semble avoir une affection particulière, les femmes manquent de consistance. Ce sont des personnages à peine esquissés (sur le plan littéraire comme sur le plan graphique), caractérisés par une apparence et des traits de caractère simplistes. Elles ont des looks de pin-up (formes généreuses, manteaux de fourrure, bas résille, etc.) et sont stupides, souvent ennuyeuses, et parfois vénales.

Elles ressemblent fort en cela aux personnages féminins stéréotypés que l’on rencontre dans les polars de Charles Williams ou de Day Keene.

Elles occupent une place effacée. Si elles sont parfois à l’origine d’un événement, elles y prennent rarement part activement. Elles sont surtout un objet de désir (sexuel, cela va sans dire) pour les personnages masculins de Schlingo.


C’est quand il traite du féminisme qu’il donne à la femme sa définition la plus restreinte, désignant par là l’unique usage des femmes dans ces histoires. Ainsi, les commentaires sur le féminisme qu’il met dans la bouche de ses personnages, tout en étant des piques envers celui-ci, en disent surtout long sur leur propre bêtise.

Par exemple, Tamponn, qui a ramené une splendide créature chez lui, lui déclare devant les innombrables photos pornos punaisées au mur : « Alors, vous voyez bien que j’ai des idées féministes ! Chez moi, il n’y a que des photos de gonzesses partout sur les murs ! » Ainsi, être féministe c’est aimer les femmes ou, plutôt, les potentialités sexuelles qu’elles représentent.


Dans la plupart des histoires tournant autour de la séduction, celle-ci se solde par un échec, ou plus exactement par un non-accomplissement de l’acte hétérosexuel, celui-ci étant bien souvent remplacé, faute de mieux, par des relations homosexuelles entre les « héros ».


Ainsi, Désiré et Tamponn, alors détectives privés, tentent de coucher avec leur belle et riche cliente mais finissent par se retrouver ensemble au lit (ce qui a été, apprend-t-on, la première expérience sexuelle de Désiré)32.


Ailleurs, les mêmes, alors acteurs porno puis, à leur grand regret, acteurs de films « intellectuels », finissent par s’enculer sur le plateau33.

Enfin, le cheval vivant une histoire d’amour contrariée avec Josette de Rechange devient, malgré lui, mais finalement avec joie, le symbole sexuel de la tribu des Gropopos, c’est-à-dire qu’il se fait sodomiser par la tribu toute entière34.


Pour Schlingo, l’amitié et le désœuvrement amènent bien souvent à des relations homosexuelles. Il ne faut pas voir ici de réelle homophobie de sa part. Il ne s’agit pas en fait vraiment d’homosexualité, dans ses dimensions sexuelles, affectives ou encore sociales, mais simplement de sodomie entre deux hommes (ou entre un homme et un animal), celle-ci étant perçue comme un simple gag, comme peut l’être la classique et désuette chute sur une peau de banane. On s’encule parce qu’on n’a rien d’autre à faire, parce qu’on s’ennuie ou parce que les filles ne veulent pas qu’on les saute. Des arnaques élaborées sont parfois montées pour arriver à cette fin (Désiré proposant par exemple à Tamponn de jouer à enlever leur slip35).


Dans les cas où la séduction d’une femme réussit, l’acte sexuel est complètement ridiculisé.

Dans une histoire, Tamponn qui vient de coucher avec la vendeuse à qui il a acheté des sécateurs, part l’acte à peine consommé, comme si de rien n’était, pour se rendre compte finalement qu’il a oublié lesdits sécateurs. Cet oubli étant le point culminant, et le drame, de l’histoire36.


Dans une autre, alors qu’il a réussi à ramener une fille chez lui, il sabote lui-même ses efforts en lui déclarant : « Je veux bien faire l’amour mais pas tout nu – au viol ! », rameute la police et se fait arrêter pour viol, les policiers présumant que c’est Tamponn qui tentait de commettre ce viol37.


C’est, en outre, un acte profondément banal. Le commentaire, dans N comme cornichon, « Soudain, nos amis font l’amour. – Soudain, ils ne font plus l’amour et vont chez le professeur », est assez exemplaire à ce titre, les deux « soudain » rapprochés rendant dérisoire l’acte en soulevant sa brièveté. Cet autre commentaire, dans « Un Fameux Priapisme »38, montre également l’ironie de Schlingo envers la nécessité de virilité : « Profitant de la seconde d’inadvertance et de la surprise de chacun, Désiré baise une gonzesse en un temps record… ». La valeur symbolique relative à la virilité est ici inversée, le sexe rapide, et donc l’éjaculation précoce, étant considérés comme quelque chose de remarquable et de positif.


« FORMIDABLE ! JE SUIS EN TRAIN DE CRÉER UN CONCEPT

QUI POURRAIT BIEN RÉVOLUTIONNER LE MONDE ENTIER ! »


Schlingo pousse souvent l’idiotie à l’extrême. En témoigne sa fameuse plaisanterie qui restera probablement à jamais inégalée :


C’est un gars qui monte dans un noyer et qui crie : « Au secours, je me noix ! » Alors un autre type monte dans un abricotier et crie : « Au secours, je me abricot ! »39


Il pousse parfois l’idiotie encore plus loin. Certaines histoires sont caractérisées par une écriture systématique à dimension conceptuelle. Bien sûr, on peut considérer l’utilisation de beaucoup d’éléments habituels de son écriture (les onomatopées, les pommes de terre, etc.) comme étant des concepts à part entière. Mais dans certaines histoires, c’est la structure narrative même qui relève d’un système.


Un des premiers exemples (et l’un des plus fameux) est l’histoire où Tamponn décide de jouer un mauvais tour à Désiré en se déguisant en souris mécanique. Il lui téléphone et lui demande s’il le reconnaît…ce que celui-ci ne parvient pas à faire. Mais, lorsqu’il enlève son costume, Désiré le reconnaît enfin40.

Ainsi, Schlingo sous-entend que la perception sonore (la voix) que Désiré a de son ami est intimement liée à son apparence… à laquelle il n’a pas accès, puisqu’ils ne sont pas au même endroit. Il amalgame perception auditive et apparence.


Je citerais aussi le livre pour enfant Monsieur Madame41, construit comme un labyrinthe de glaces.

Il a pour protagonistes deux couples : les Madame et les Monsieur. Chez les Madame, monsieur Madame supporte mal son patronyme tandis que madame Madame n’y voit rien à redire. En miroir, chez les Monsieur, monsieur Monsieur en est satisfait et madame Monsieur en souffre. Deux crises conjugales parallèles s’ensuivent. Monsieur Madame et madame Monsieur partent en vacances, se rencontrent, tombent amoureux l’un de l’autre, et décident de se marier. Ils divorcent donc, mais, par égard pour leur anciens conjoints, décident de conserver leur ancien patronyme. Monsieur Madame devient ainsi monsieur Monsieur Madame et madame Monsieur, madame Monsieur Madame.

De même, les conjoints délaissés se ren-contrent… et se marient devenant monsieur et madame Madame Monsieur. Le temps passe et le fils des premiers et la fille des seconds se rencontrent, tombent amoureux et deviennent monsieur et madame Madame Monsieur Monsieur Madame, lesquels auront des enfants et ainsi de suite.


Ce systématisme rigoureux se retrouve également dans l’histoire « Jean & Jean »42. Jean Vive le fromage est un lapin qui vient d’inventer un concept révolutionnaire devant son ordinateur. Sa femme, une ravissante pin-up, appelle les pompiers car, suite à une fuite d’eau, l’appartement est en passe d’être inondé. Arrive un pompier prénommé Jean. Jean Vive le fromage en profite alors pour lui expliquer son concept.


Si tous les gens s’appelaient Jean, la vie serait simplifiée. […] Cela simplifierait le vocabulaire et plus particulièrement les syllabes avec des phrases simples et des mots simples comme « Jean mange » ou « Jean venge Jean en mangeant du gingembre qui enjambe du jambon… »


Ce qui est intéressant ici, c’est que le conceptualisme de Schlingo quitte l’espace du simple jeu intellectuel pour rentrer dans une dimension poétique. Ce jeu autour des mots est plus qu’astuce, c’est une machine à détruire le sens de ceux-ci pour créer un nouveau sens transrationnel, poétique. Il fragmente les mots en syllabes qu’il utilise en tant que matière sonore pouvant être agencée et réagencée de multiples manières. Ceci n’est pas sans rappeler certaines ontophonies de Ghérasim Luca, et notamment, les poèmes « Héros-Limite » et « Passionnément »43.


Schlingo est d’ailleurs un des fondateurs de la Nouvelle Poésie, groupe qui s’était fixé pour but d’écrire les poèmes les plus idiots possibles. On peut en retrouver quelques-uns dans les deux disques de son groupe, les Silver d’argent, et dans le recueil Le Pantalon, comme ce très dadaïste « Solitude », qui n’est pas sans rappeler les Poèmes nègres de Tristan Tzara :


Patafla, patafla, vluvlu, vlovlo, vlavla

Patafla, vlivli, flonflon, vlavla

Irtifirtini, ortofinole, arthombontèque

Irtinitifole, corto, isofonèble, glinglin

Partanogoulas, forniputourimbourg kéké

Floflo, flafla, flaflaflafla, flafla

Bloublou, ginitibil !


Nous sommes un soir de novembre

Et personne pour me comprendre !


Du Havane primesautier à Grodada


Schlingo participa à la plupart des revues de bande dessinée des années 1980-1990 : Charlie mensuel, Métal hurlant, Psikopat, Viper, etc. Deux d’entre elles, fortement marquées par son empreinte, méritent de s’y arrêter un instant. Il s’agit du fanzine Le Havane primesautier et de la revue pour enfants Grodada.


Vous me direz « oui, mais moi, je préfère les saucisses ». Bien sûr ! Moi aussi j’aime les saucisses. Figurez-vous qu’à l’âge de 5 ans, je reconnaissais la différence entre une saucisse de STRASBOURG et une saucisse mexicaine grâce à l’odeur de ses chaussettes.44


LE HAVANE PRIMESAUTIER

Journal des connards ! (1976-1980)


Si vous êtes un fidèle lecteur, vous savez déjà que nous nous laissons souvent aller à quelques débileries grotesquatoires, et, étant coutumier du fait, vous êtes déjà un peu contaminé […]

Si vous tenez ce journal pour la première fois, c’est grave ! Jamais journal ne fut plus idiot, plus stupide que celui-ci. Cela devient lamentable. Le pire c’est que nous, on est tellement gagas qu’on trouve ça marrant et qu’on en attrape des coliques à force de se fendre la tirelire. Quand on lit nos propres trucs, c’est l’hystérie collective, ça nous rend encore plus idiots, et, croyez bien que c’est dur pour un homme de ma condition.45


Au milieu des années 1970, une bande de joyeux abrutis se rencontre au cours Sornas, rue des Bons-Enfants46. Leurs noms ? Charlie Schlingo, Marcel Bédax, Patrick Denis et Christian Toutain. En 1975, à la convention de la Mutualité, ils rencontrent Gérard et Annette Pateloux qui publient le fanzine Le Café au lait du dimanche matin. Ils participent au « Bol 3 », mais, devant l’insuccès de la revue, Pateloux arrête de la publier et ils décident de lancer leur propre fanzine qui prendra le doux nom de Havane primesautier.


« Le Havane », parce que je fume des cigares, et « primesautier », parce qu’on dessinait plein de cons qui se marraient.47


Dès le premier numéro, un goût prononcé pour l’idiotie enfantine s’affirme. En témoigne, par exemple, le prix de vente du journal (à partir du numéro 7) : « deux bons gâteaux ». Dès ses premières histoires, Schlingo hybride ses lectures d’enfance (des petits formats principalement), le quotidien le plus trivial et l’humour crétin, comme l’annonce triomphalement le sous-titre du Havane : « le journal des connards ! ». Bédax et Denis48 dessinent aussi des histoires dans cet esprit.


[On était influencé par] Mandolino, Élastoc, ces petites BD de mon enfance dont je ne me souviens même plus du nom des auteurs. Placid et Muzo aussi, le vrai ! Bien que ces histoires étaient fort loin d’être aussi crétines que les nôtres ! C’était un jeu : rajouter des couches de crétineries les plus épaisses possibles : bel idéal pour la jeunesse ! […] Plus c’était idiot, plus nous riions de bon cœur ! C’était une surenchère permanente à la crétinerie.49


Ils sont vite rejoints par Pubax (qui était leur professeur de dessin publicitaire au cours Sornas), Crevon et Peter Pluut50.

Les deux premiers numéros sont imprimés sur l’imprimante du père de Schlingo, expert-comptable de son état. Les prochains le seront en offset. Au bout de six numéros (et deux hors-séries : le 4 bis, un recueil de Schlingo et le 5 bis, un recueil de Pubax), le titre est repris par les éditions Artefact qui publieront deux numéros supplémentaires et un hors-série (le 7 bis compilant le meilleur des six premiers numéros).

Artefact donne à Schlingo la possibilité de traduire et de publier des auteurs internationaux confirmés tels que Evert Geradts et Bottaro. C’est aussi l’occasion pour Schlingo de découvrir plus en détail le travail de création d’une revue comme le raconte Sylvain Insergueix :


Il était curieux de tout. On lui avait montré comment gérer les trames et les couleurs. Jean-Pierre [Mercier] lui avait appris comment faire un chemin de fer, etc. Il adorait ça, Charlie, mais il ne voulait pas le faire. Ça le faisait chier. Mais ça lui plaisait quand on y réussissait.51


Le Havane primesautier est remarqué par Wolinski qui dirige alors Charlie mensuel et qui fait travailler Schlingo dans la plupart des revues des éditions du Square. Le Havane s’éteint alors que Schlingo s’apprête à publier dans presque toutes les revues professionnelles de bande dessinée de l’époque.


L’avantage du Havane, c’est que j’en avais rien à foutre qu’on le lise ou pas. C’est mon côté expérimental. Dans la BD professionnelle, j’aurais pas pu prendre des risques pareils, parce que faire des trucs aussi cons, faut oser…52


GRODADA (1991-1992, 1995-1996)


D’où vient le titre Grodada et l’idée du magazine ? Je n’étais pas là moi-même à ce moment mais voici la version officielle de Charlie et du prof’.

Charlie était fâché avec Choron depuis des années. Il débarque un jour aux Trois-Portes [chez Choron]. En fin de soirée, Choron lui demande de faire un dessin pour sa petite-fille, de quatre ans à l’époque, Charlotte, la fille de Michèle. Charlie dessine donc un canasson, comme ses BD en sont peuplées. Devant le dessin, Choron s’exclame : « Dis-donc Charlie, il est vraiment chouette ton gros dada ! »53


L’expérience de ce « petit Hara Kiri pour les enfants »54 qui « amuse les enfants de quatre ans et plus et papa, maman », revue extrêmement luxueuse à vrai dire, à la mise en page élégante et à la finition soignée, sera de courte durée. D’octobre 1991 à décembre 1992, treize numéros sont publiés en kiosque. C’est un bide. L’équipe retentera l’aventure, le temps de deux numéros, l’hiver 1995-96.

Ce sera l’avant-dernière aventure éditoriale de Choron bien que celui-ci ne soit crédité dans aucun numéro.

Choron n’était pas crédité car – je cite – « Je risque de flanquer la trouille aux parents et ma tronche fait peur aux enfants ». En fait, la vraie raison, c’est qu’il avait le fisc qui lui collait aux basques.55


Choron expliqua son envie de fonder un journal par « la débilité totale de la presse pour mômes ».

C’était un peu comme quand on a lancé Hara Kiri. Il n’y avait rien dans les kiosques, il n’y avait que de la merde ! […] La presse enfantine est vierge, elle est en friche. Personne ne s’est occupé des gosses. En 68, tous les adultes ont fait leur révolution, sauf les mômes ! On leur a laissé les mêmes merdes à lire, les Spirou devenus illisibles56.

C’est en partie cette volonté de se démarquer de la niaiserie de la presse enfantine qui est à l’origine du ton parfois grinçant du journal. Cette réflexion de Choron à propos du chien de Totote, Sacapuce, est assez révélatrice de cet état d’esprit :

J’aimais bien Sacapuce parce qu’il avait une belle paire de couilles. Les enfants français sont frustrés avec cet américain, Walt Disney, qui fait des animaux complètement asexués. Alors que les animaux, ça a des trous du cul. […] C’est vraiment horrible cette faune animale sans rut qu’il a pu dessiner.57


Avec Charlie, on dessinait sur place et on trouvait à trois les jeux, les histoires, on rédigeait les textes. Généralement pour [les histoires de] Grodada on développait ensemble une histoire, ses péripéties. Puis Charlie découpait ça et la mettait en dessins. À la vue de son boulot, on bossait sur les textes. C’était la partie la plus jouissive, puisque le but était de nous faire marrer nous-mêmes dans le processus. Je crois que c’était comme ça que Choron bossait depuis Charlie hebdo et Hara Kiri. Il lui fallait une équipe pour lui « renvoyer la balle ». […] Plus tard, Vuillemin, Lehoullier et Max nous ont rejoints. Mais le processus restait le même, tout ça se faisait en équipe.58


Schlingo dessine les couvertures et l’histoire-titre caractérisée par un humour absurde et poétique et par une grande tendresse. Celle-ci se déroule dans le village de Gropatelin où vivent « des animaux rigolos » : Grosse-Meumeu, Gropipi, Grocracra, Grocoincoin, etc.

Rosse dessine la plupart des cadeaux (autocollants, masques, cartes postales…) et des jeux. On retrouve pêle-mêle des Upside-Downs, des pliages, le « jeu des 54 erreurs » et « Les Conseils du grand frère énervant », sorte d’inventaire grinçant des blagues vachardes « qu’il ne faut pas faire » dans telle ou telle situation (« Ce qu’il ne faut pas faire dans le train : se faire des oreilles d’éléphant avec les tartines du sandwich, jouer à « Coucou qui c’est ? » avec le conducteur du train, jouer au cerf-volant avec la casquette du contrôleur… »59).

Choron se fend d’une histoire et d’une chanson sous le pseudonyme de Tonton Grobidon Saucisson.

Plus tard, Vuillemin proposera ses « devinettes vachement difficiles » et dessinera « Les Petits Malheurs de Totote »60, et Max « Les Aventures ébouriffantes de Didier-le-Crâneur », extra-terrestre malchanceux.

Dans la deuxième série, participeront aussi épisodiquement Dimitri, Otho Puol, Muzo, Alteau, Lefred-Thouron, Joko et Pierre Lehoulier.


En 2002-2003, Schlingo se verra confier la direction de Coin Coin, supplément à Picsou magazine où se poursuivra brièvement l’aventure…

















PETITE BIBLIOTHĖQUE SCHLINGUESQUE


MONOGRAPHIES


Le Havane primesautier n° 4 bis, Éditions du Sec-Beurre, 1977.

Gaspation, éditions du Square, 1979 ; réédition augmentée, L’Association, 2009.

Havanies primesautières, Artefact, 1980 ; édition en hollandais sous le titre Schlingo’s dartele Bolknakkerij, Drukwerk, 1980.

Josette de Rechange (1), Le Square/Albin Michel, 1981.

Désiré Gogueneau est un vilain, Futuropolis, 1982.

Charlie Schlingo (collection 30X40), Futuropolis, 1983.

Trip Slip, Les Humanoïdes associés, 1984.

Les Saucisses de l’exploit, Les Humanoïdes associés, 1985.

Onulf le marin, Futuropolis, 1986 ; réédition augmentée sous le titre Onulf, le cybernéticien, Grosse Bitre et Cracra-Cracra (avec Stéphane Rosse), Les Requins Marteaux, 2001

N comme cornichon (avec Stéphane Rosse), Les Huma-noïdes associés, 1989.

Vivement ce soir qu’on se couche, Albin Michel, 1990.

Pyon et Schlingo partent à la conquête du monde (avec Jacques Pyon), Sortez la chienne, 1991 ; réédition sous le titre À la conquête du monde, Les Requins Marteaux, 2003.

Les Conneries de Charlie Schlingo, Magic-Strip, 1992.

Monsieur Madame, Seuil Jeunesse, 1995.

Le Pantalon (avec une préface du Pr Choron et des illustrations d’Alegria, Blanquet, Willem, Françoise Geslin, M. Enkari, Vuillemin, Thierry Guitard, Didier Couly, GG, Pierre la Police, Lefred-Thouron, Joko, Marc Brucker, Placid, Pascal Doury, Perrin, Gébé, Max et Jacques Aubert), Fish & Chips, 1996.

Fromage Color, Sketch Studio, 1999.

Patron, une cuite s’il vous plaît, Albin Michel, 1999.

Canetor (avec Michel Pirus), Les Requins Marteaux, 2006.

Josette de Rechange (2), L’Association, 2009.


LIVRES COLLECTIFS


Baston 5, la ballade des baffes, Goupil, 1983.

Frank Margerin présente (avec Stéphane Rosse), Les Humanoïdes associés, 6 tomes parus, 1989-1992.

Les Pires Noëls (avec Yves Chaland), Delcourt, 1989.

Parigolade, Le Village, 1989.

10 ans Canal +, tome 3 : Scénario, Canal +, 1994.

Hommage à Mr Pinpon, L’Association, 1997.

Nos Vaches, Un Sourire de toi et j’quitte ma mère, 1998.

Demain l’an 3000, Albin Michel, 1999.

Comix 2000, L’Association, 1999.

Cestac Color, Sketch Studio, 2001.

Reiser forever, Denoël Graphic, 2003.

Hergé 1983, l’hommage de la bande dessinée, Casterman, 2003.

Traits séduisants, l’illustration au service de la communication des marques, Scala, 2006.

Tous coupables !, Les Cochons enragés, 2007.


REVUES


Le Café au lait du dimanche matin, 1975.

Le Havane primesautier, 1976-1980.

Charlie mensuel, 1978-1982.

BD, l’hebdo de la BD, 1978.

Hara-Kiri hebdo/Charlie hebdo (1ère série), 1979-1981.

Talent magazine, 1979-1980.

Hara Kiri, 1980-1981.

Sandwich, supplément à Libération, 1980.

L’Illustré, 1980.

Fluide glacial, 1980, 1995, 2005.

Transfert, 1981-1982.

Rip Off Comix, 1981-1988.

Viper, 1982-1984.

Le Petit Psikopat illustré, 1982-1984.

Le Citron hallucinogène, 1983.

(À suivre), 1983, 1991-1992, 1994.

Rigolo !, 1983-1984.

Métal Aventure, 1984-1985.

Métal Hurlant, 1984-1987.

L’Écho des savanes, 1984, 1988-1990, 1997.

Psikopat, 1985.

Pilote et Charlie, 1988.

Professeur Choron, 1988.

Spot BD, 1988.

Grodada, 1991-1992, 1995-1996.

Hara Kiri hebdo (2e série), 1993.

La Mouise, 1994-2005.

Popo Color, 1995.

Strips, 1996.

Zoo, 1997-1999.

Fusée, 2002.

Coin Coin, supplément à Picsou magasine, 2002-2003.

Ferraille illustré, 2003-2006.

Vertige Vision, 2003-2005.

L’Horreur est humaine, 2008.


DIVERS LIVRES ET PETITES CHOSES

EN RAPPORT AVEC SCHLINGO


Faites vous-mêmes votre jeu des 7 familles (avec, entre autres, des dessins de Schlingo), Futuropolis, 1983.

Diacétylmorphine de Frank, illustrations de Goossens, Futuropolis, 1984 (Polar. Le personnage principal, Jimmy Dingo, est inspiré de Schlingo).

Le Radeau de la méduse (Sérigraphie), Anagraphis, 1985.

Les Brigades du sexe, Les Productions de la misère, 1989 (33 tours, pochette de Schlingo).

La Véritable Histoire de Futuropolis de Florence Cestac, Dargaud, 2007.

Nouveaux Moments Clés de la bande dessinée de François Ayroles, Alain Beaulet, 2008.

Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps de Florence Cestac et Jean Teulé, Dargaud, 2009 (Biographie).


QUELQUES ARTICLES SUR SCHLINGO


« Les Petits Miquets font les grandes oreilles » (entretien avec Frémion), Charlie mensuel n° 122, 1979 ; repris dans Les Nouveaux Petits Miquets, Le Citron hallucinogène, 1982.

Big Ben, « Ce qui me fait rire chez Schlingo », Comix Club n° 3, 2006.

Gilles Poussin, « Les Avanies primesautières de Charlie Schlingo », Le Collectionneur de bande dessinée n° 109, 2006.

Christian Rosset, « Omaggio a Schlingo », Avis d’orage en fin de journée, L’Association, 2008.


FILMOGRAPHIE


Films d’animation

Garçon, une cuite s’il vous plaît !, L’œil du cyclone, Canal+, 1994.

L’Empereur et l’Oiseau (d’après Andersen et sur un scénario de Jean-Luc Fromental), Goldvision, 1995 ; repris dans Il était une fois, VHS, Gaumont Columbia Tristar, 1997 ; DVD, ArtMalta, 2007.


En tant qu’acteur

Ivre Mort pour la patrie, opérette du Professeur Choron, Canal +, 1998.

Choron dernière, documentaire de Pierre Carles et Éric Martin, Tadrart Films, 2008.


DISCOGRAPHIE DES SILVER D’ARGENT


Petite Lise/Du Boulot, 45 t., Rififi, 1993.

Simplicitude, CD, Rififi, 1993.

Laver les saucisses, CD, Saravah, 1996.

Hippopotame, single CD, Saravah, 1996.


SITES INTERNET


Le blog de Grosagro

http://grosagro.webnode.com

Smartcucumber

www.smartcucumber.com/06_charlie/charlie.htm

Entretien avec Gérard Pateloux (24 février 2009)

http://westerncivilisation.hautetfort.com

Vidéos de concerts des Silver d’argent

www.dailymotion.com/joko93

Choron et Schlingo (extrait de Choron dernière)

www.youtube.com/watch?v=rL1ZXDltZuQ

1 Artefact édita les trois derniers numéros du Havane Primesautier (n° 7, 7 bis et 8) ainsi que le troisième livre de Schlingo, Havanies primesautières.

2 Josette de Rechange, 1981 ; Les Conneries de Charlie Schlingo, 1992 ; Gaspation, 2009.

3 Christian Rosset, « Omaggio a Schlingo », Avis d’orage en fin de journée, L’Association, 2008.

4 « Les Petits Miquets font les grandes oreilles », entretien avec Yves Frémion, Charlie Mensuel n° 122, 1979.


5 « Les Petits Miquets font les grandes oreilles ».

6 Définition du Petit Robert, 2008.

7 Trip Slip, 1984.

8  Gaspation, 1979, 2009.

9 Onulf le marin, 1986 ; Onulf, le cybernéticien, Grosse
   Bittre et Cracra-Cracra, 2001.

10 « Les Petits Miquets font les grandes oreilles ».

11 Par exemple « Drogue », Vivement ce soir qu’on se couche, 1990.

12 Entretien avec Liz Saum (ancienne membre des éditions Artefact, elle a notamment traduit les Freak Brothers), 5 juillet 2009.

13 Correspondance avec Stéphane Rosse, 20 mai 2009.

14 Correspondance avec Stéphane Rosse, 23 mai 2009.

15 Correspondance avec Stéphane Rosse, 23 mai 2009.

16 Bien qu’il se réclamait, avec quelques autres (Max, Golo…), de la « ligne crade » par opposition aux auteurs « ligne-clairistes » (Floch, Ted Benoit…).

17 Josette de Rechange, 2009.

18 À ce sujet, voir l’article de Big Ben, « Ce qui me fait rire chez Schlingo », Comix Club n° 3, 2006.

19 Je considère les onomatopées de Schlingo comme des objets. Mais, n’anticipons pas, j’y viendrai plus bas.

20 Ce qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’utilisation des saucissons dans l’œuvre de Jacovitti.

21 Voir la série de cinq pages parues dans Gaspation, 1979, 2009, Josette de Rechange, 1981, Les Conneries de Charlie Schlingo, 1992. Les deux premières pages de cette série sont reprises ici pages 58-59 et 90-91.

22 N comme cornichon, 1989.

23 « Les Petits Miquets font les grandes oreilles ».

24 Les Saucisses de l’exploit, 1985 ; Les Conneries de Charlie Schlingo, 1992.

25 Josette de Rechange, 1981, 2009 ; Désiré Gogueneau est un vilain, 1982.

26 Entretien avec Sylvain Insergeuix, 5 juillet 2009.

27 Josette de Rechange, 2009.

28 Gaspation, 1979, 2009 ; Les Conneries de Charlie Schlingo, 1992.

29 Les Conneries de Charlie Schlingo, 1992.

30 Onulf le marin, 1985 ; Onulf, le cybernéticien, Grosse Bittre et Cracra-Cracra, 2001.

31 Gaspation, 1979, 2009.

32 « L’Énigme des bijoux », Trip Slip, 1984.

33 « Un Fameux Priapisme » et « Les Cinéastes font des désastres », Les Saucisses de l’exploit, 1985.

34 Josette de Rechange, 1981, 2009.

35 Trip Slip, 1984.

36 Gaspation, 1979, 2009.

37 Gaspation, 1979, 2009.

38 Les Saucisses de l’exploit, 1985.

39 Gaspation, 1979, 2009.

40 Gaspation, 1979, 2009.

41 Monsieur Madame, 1995.

42 Cestac Color, 2001.

43 Respectivement publiés dans Héros-Limite et Le Chant de la carpe, José Corti, 1985 et 1986.

44 Revue de presse de Charlie Schlingo dans Le Havane primesautier n° 2, éditions du Sec-beurre, 1977.

45 Le Havane primesautier n° 5, 1978.

46 « Ah, les bons enfants, ça leur allait comme un gant ! » Entretien de Gérard Pateloux avec Flingobis sur le blog Western Civilization.

47  « Les Petits Miquets font les grandes oreilles ».

48 À noter, l’excellente histoire de P. Denis, « Les Aventures du gentil shériff Jo Labanane contre le vilain bandit », Le Café au lait du dimanche matin bol 3, éditions du Tandem, 1975 ; repris dans Le Havane primesautier n° 7 bis, Artefact, 1980.

49 Correspondance avec Marcel Bédax, 23 mars 2009.

50 Peter Pluut fera une brève carrière aux Humanoïdes associés.

51 Entretien avec Sylvain Insergueix, 5 juillet 2009.

52 « Les Petits Miquets font les grandes oreilles ».

53 Correspondance avec Stéphane Rosse, 14 mai 2009.

54 Choron dans Choron dernière, documentaire de Pierre Carles et Éric Martin, 2009.

55 Correspondance avec Stéphane Rosse, 14 mai 2009.

56 Professeur Choron, Vous me croirez si vous voulez, mémoires rassemblés par Jean-Marie Gourio, Flammarion, 1993.

57 Choron dans Choron dernière.

58 Correspondance avec Stéphane Rosse, 14 mai 2009.

59 Grodada n° 2, France-Images S.A., octobre 1991.

60 Vuillemin et Choron, Les Petits Malheurs de Totote, éditions Humeurs, 2008.